- Auteur : Bnmaster
- Créé le : 23/03/2005
- Modifié le : 27/09/2015
Je n'ai point l'intention de plaider ici pour le
petit roman qui suit. Tout au contraire, les idées que je vais essayer de
faire comprendre entraîneraient plutôt la critique du genre d'étude
psychologique que j'ai entrepris dans Pierre et Jean.
Je veux m'occuper du Roman en général.
Je ne suis pas le seul à qui le même reproche soit adressé par les mêmes critiques, chaque fois que paraît un livre nouveau.
Au milieu des phrases élogieuses, je trouve régulièrement celleci sous les mêmes plumes
Le plus grand défaut de cette oeuvre, c'est qu'elle n'est pas un roman à proprement parler.
On pourrait répondre par le même argument :
Le plus grand défaut de l'écrivain qui me fait l'honneur de me juger, c'est qu'il n'est pas un critique.
Quels sont en effet les caractères essentiels du critique ? Il faut que, sans parti pris, sans opinions préconçues, sans idées d'école, sans attaches avec aucune famille d'artistes, il comprenne, distingue et explique toutes les tendances les plus opposées, les tempéraments les plus contraires, et admette les recherches d'art les plus diverses.
Or, le critique qui, après Manon Lescaut, Paul et Virginie, Don Quichotte, Les Liaisons dangereuses, Werther, Les Affinités électives, Clarisse Harlowe, Emile, Candide, CinqMars, René, Les Trois Mousquetaires, Mauprat, Le Père Goriot, La Cousine Bette, Colomba, Le Rouge et le Noir, Mademoiselle de Maupin, NotreDame de Paris, Salammbô, Madame Bovary, Adolphe, Monsieur de Camors, L'Assommoir, Sapho, etc., ose encore écrire : « Ceci est un roman et cela n'en est pas un », me paraît doué d'une perspicacité qui ressemble fort à de l'incompétence.
Généralement ce critique entend par roman une aventure plus ou moins vraisemblable, arrangée à la façon d'une pièce de théâtre en trois actes dont le premier contient l'exposition, le second l'action et le troisième le dénouement.
Cette manière de composer est absolument admissible à la condition qu'on acceptera également toutes les autres.
Existetil des règles pour faire un roman, en dehors desquelles une histoire écrite devrait porter un autre nom ?
Si Don Quichotte est un roman, Le Rouge et le Noir en estil un autre ? Si MonteCristo est un roman, L'Assommoir en estil un ? Peuton établir une comparaison entre les Affinités électives de
Goethe, Les Trois Mousquetaires de Dumas, Madame Bovary de Flaubert, M. de Camors de M. O. Feuillet et Germinal de M. Zola ? Laquelle de ces oeuvres est un roman ? Quelles sont ces fameuses règles ? D'où viennentelles ? Qui les a établies ? En vertu de quel principe, de quelle autorité et de quels raisonnement ?
Il semble cependant que ces critiques savent d'un façon certaine, indubitable, ce qui constitue un roman et ce qui le distingue d'un autre qui n'en est pas un. Cela signifie tout simplement que, sans être des producteurs, ils sont enrégimentés dans une école, et qu'ils rejettent, à la façon des romanciers euxmêmes, toutes les oeuvres conçues et exécutées en dehors de leur
esthétique.
Un critique intelligent devrait, au contraire, rechercher tout ce qui ressemble le moins aux romans déjà faits, et pousser autant que possible les jeunes gens à tenter des voies nouvelles.
Tous les écrivains, Victor Hugo comme M. Zola, ont réclamé avec persistance le
droit absolu, droit indiscutable de composer, c'estàdire d'imaginer ou d'observer, suivant leur conception personnelle de l'art. Le talent provient de l'originalité, qui est une manière spéciale de penser, de voir, de comprendre et de juger. Or, le critique qui prétend définir le Roman suivant l'idée qu'il s'en fait d'après les romans qu'il aime, et établir certaines règles invariables de composition, luttera toujours contre un tempérament d'artiste apportant une manière nouvelle. Un critique, qui mériterait absolument ce nom, ne devrait être qu'un analyste sans tendances, sans préférences, sans passions, et, comme un expert en tableaux, n'apprécier que la valeur artiste de l'objet d'art qu'on lui soumet. Sa compréhension, ouverte à tout, doit absorber assez complètement sa personnalité pour qu'il puisse découvrir et vanter les livres mêmes qu'il n'aime pas comme homme et qu'il doit comprendre comme juge.
Mais la plupart des critiques ne sont, en somme, que des lecteurs, d'où il résulte qu'ils nous gourmandent presque toujours à faux ou qu'ils nous complimentent sans réserve et sans mesure.
Le lecteur qui cherche uniquement dans un livre à satisfaire la tendance naturelle de son esprit, demande à l'écrivain de répondre à son goût prédominant, et il qualifie invariablement de remarquable ou de bien écrit l'ouvrage ou le passage qui plaît à son imagination idéaliste, gaie, grivoise; triste, rêveuse ou positive.
En somme, le public est composé de groupes nombreux qui nous crient :
Consolezmoi.
Amusezmoi.
Attristezmoi.
Attendrissezmoi.
Faitesmoi rêver.
Faitesmoi rire.
Faitesmoi frémir.
Faitesmoi pleurer.
Faitesmoi penser.
Seuls, quelques esprits d'élite demandent à l'artiste :
Faitesmoi quelque chose de beau, dans la forme qui vous conviendra le mieux, suivant votre tempérament.
L'artiste essaie, réussit ou échoue.
Le critique ne doit apprécier le résultat que suivant la nature de l'effort ; et il n'a pas le droit de se préoccuper des tendances.
Cela a été écrit déjà mille fois. Il faudra toujours le répéter.
Donc après les écoles littéraires qui ont voulu nous donner une vision déformée, surhumaine, poétique, attendrissante, charmante ou superbe de la vie, est venue une école réaliste ou naturaliste qui a prétendu nous montrer la vérité, rien que la vérité et toute la vérité.
Il faut admettre avec un égal intérêt ces théories d'art si différentes et juger les oeuvres qu'elles produisent, uniquement au point de vue de leur valeur artistique en acceptant a priori les idées générales d'où elles sont nées.
Contester le droit d'un écrivain de faire une oeuvre poétique ou une oeuvre réaliste, c'est vouloir le forcer à modifier son tempérament, récuser son originalité, ne pas lui permettre de se servir de l'oeil et de l'intelligence que la nature lui a donnés.
Lui reprocher de voir les choses belles ou laides, petites ou épiques; , gracieuses ou sinistres, c'est lui reprocher d'être conformé de telle ou telle façon et de ne pas avoir une vision concordant avec la nôtre.
Laissonsle libre de comprendre, d'observer, de concevoir comme il lui plaira, pourvu qu'il soit un artiste. Devenons poétiquement exaltés pour juger un idéaliste et prouvonslui que son rêve est médiocre, banal, pas assez fou ou magnifique. Mais si nous jugeons un naturaliste, montronslui en
quoi la vérité dans la vie diffère de la vérité dans son livre.
Il est évident que des écoles si différentes ont dû employer des procédés de composition absolument opposés.
Le romancier qui transforme la vérité constante, brutale et déplaisante, pour en tirer une aventure exceptionnelle et séduisante, doit, sans souci exagéré de la vraisemblance, manipuler les événements à son gré, les préparer et les arranger pour plaire au lecteur, l'émouvoir ou l'attendrir. Le plan de son roman n'est qu'une série de combinaisons ingénieuses conduisant avec adresse au dénouement. Les incidents sont disposés et gradués vers le point culminant et l'effet de la fin, qui est un événement capital et décisif, satisfaisant toutes les curiosités éveillées au début, mettant une barrière à l'intérêt, et terminant si complètement l'histoire racontée qu'on ne désire plus savoir ce que deviendront, le lendemain, les personnages les plus attachants.
Le romancier, au contraire, qui prétend nous donner une image exacte de la vie, doit éviter avec soin tout enchaînement d'événements qui paraîtrait exceptionnel. Son but n'est point de nous raconter une histoire, de nous amuser ou de nous attendrir, mais de nous forcer à penser, à comprendre le sens profond et caché des événements. A force d'avoir vu et médité, il regarde l'univers, les choses, les faits et les hommes d'une certaine façon qui lui est propre et qui résulte de l'ensemble de ses observations réfléchies. C'est cette vision personnelle du monde qu'il cherche à nous communiquer en la reproduisant dans un livre. Pour nous émouvoir, comme il l'a été lui-même par le spectacle de la vie, il doit la reproduire devant nos yeux avec une scrupuleuse ressemblance. Il devra donc composer son oeuvre d'une manière si adroite, si dissimulée, et d'apparence si simple, qu'il soit impossible d'en
apercevoir et d'en indiquer le plan, de découvrir ses intentions.
Au lieu de machiner; une aventure et de la dérouler de façon à la rendre intéressante jusqu'au dénouement, il prendra son ou ses personnages à une certaine période de leur existence et les conduira, par des transitions naturelles, jusqu'à la période suivante. Il montrera de cette façon, tantôt comment les esprits se modifient sous l'influence des circonstances environnantes, tantôt comment se développent les sentiments et les passions, comment on s'aime, comment on se hait, comment on se combat dans tous les milieux sociaux, comment luttent les intérêts bourgeois, les intérêts d'argent, les intérêts de famille, les intérêts politiques.
L'habileté de son plan ne consistera donc point dans l'émotion ou dans le charme, dans un début attachant ou dans une catastrophe émouvante, mais dans le groupement adroit de petits faits constants d'où se dégagera le sens définitif de l'oeuvre. S'il fait tenir dans trois cents pages dix ans d'une vie pour montrer quelle a été, au milieu de tous les êtres qui l'ont entourée, sa signification particulière et bien caractéristique, il devra savoir éliminer, parmi les menus événements innombrables et quotidiens tous ceux qui lui sont inutiles, et mettre en lumière, d'une façon spéciale, tous ceux qui seraient demeurés inaperçus pour des observateurs peu clairvoyants et qui donnent au livre sa portée, sa valeur d'ensemble.
On comprend qu'une semblable manière de composer, si différente de l'ancien procédé visible à tous les yeux, déroute souvent les critiques, et qu'ils ne découvrent pas tous les fils si minces, si secrets, presque invisibles, employés par certains artistes modernes à la place de la ficelle unique qui avait nom : l'Intrigue.
En somme, si le Romancier d'hier choisissait et racontait les crises de la vie, les états aigus de l'âme et du coeur, le Romancier d'aujourd'hui écrit l'histoire du coeur, de l'âme et de l'intelligence à l'état normal. Pour produire l'effet qu'il poursuit, c'estàdire l'émotion de la simple réalité et pour dégager l'enseignement artistique qu'il en veut tirer, c'estàdire la révélation de ce qu'est véritablement l'homme contemporain devant ses yeux, il devra n'employer que des faits d'une vérité irrécusable et constante.
Mais en se plaçant au point de vue même de ces artistes réalistes, on doit discuter et contester leur théorie qui semble pouvoir être résumée par ces mots : « Rien que la vérité et toute la vérité. »
Leur intention étant de dégager la philosophie de certains faits constants et courants, ils devront souvent corriger les événements au profit de la vraisemblance et au détriment de la vérité, car
Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.
Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, pour énumérer les multitudes d'incidents insignifiants qui emplissent notre existence.
Un choix l'impose donc, ce qui est une première atteinte à la théorie de toute la vérité.
La vie, en outre, est composée des choses les plus différentes, les plus imprévues, les plus contraires, les plus disparates ; elle est brutale, sans suite, sans chaîne, pleine de catastrophes inexplicables, illogiques et contradictoires qui doivent être classées au chapitre faits divers.
Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il rejettera tout le reste, tout l'àcôté.
Un exemple entre mille :
Le nombre des gens qui meurent chaque jour par accident est considérable sur la terre. Mais pouvons nous faire tomber une tuile sur la tête d'un
personnage principal, ou le jeter sous les roues d'une voiture, au milieu d'un récit, sous prétexte qu'il faut faire la part de l'accident.
La vie encore laisse tout au même plan, précipite les faits ou les traîne indéfiniment. L'art, au contraire, consiste à user de précautions et de préparations, à ménager des transitions savantes et dissimulées, à mettre en pleine lumière, par la seule adresse de la composition, les événements essentiels et à donner à tous les autres le degré de relief qui leur convient, suivant leur importance, pour produire la sensation profonde de la vérité spéciale qu'on veut montrer.
Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêlemêle de leur succession.
J'en conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes.
Quel enfantillage, d'ailleurs, de croire à la réalité puisque nous portons chacun la nôtre dans notre pensée et dans nos organes. Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent autant de vérités qu'il y a d'hommes sur la terre. Et nos esprits qui reçoivent les instructions de ces organes, diversement impressionnés, comprennent, analysent et jugent comme si chacun de nous appartenait à une autre race.
Chacun de nous se fait donc simplement une illusion du monde, illusion poétique, sentimentale, joyeuse, mélancolique, sale ou lugubre suivant sa nature. Et l'écrivain n'a d'autre mission que de reproduire fidèlement cette illusion avec tous les procédés d'art qu'il a appris et dont il peut
disposer.
Illusion du beau qui est une convention humaine ! Illusion du laid qui est une opinion changeante ! Illusion du vrai jamais immuable ! Illusion de l'ignoble qui attire tant d'êtres ! Les grands artistes sont ceux qui imposent à l'humanité leur illusion particulière.
Ne nous fâchons donc contre aucune théorie puisque chacune d'elles est simplement l'expression généralisée d'un tempérament qui
s'analyse.
Il en est deux surtout qu'on a souvent discutées en les opposant l'une à l'autre au lieu de les admettre l'une et l'autre : celle du roman d'analyse pure et celle du roman objectif. Les partisans de l'analyse demandent que l'écrivain s'attache à indiquer les moindres évolutions d'un esprit et tous les mobiles les plus secrets qui déterminent nos actions, en n'accordant au fait luimême qu'une importance très secondaire. Il est le point d'arrivée, une simple borne, le prétexte du roman. Il faudrait donc, d'après eux, écrire ces oeuvres précises et rêvées où l'imagination se confond avec l'observation, à la manière d'un philosophe composant un livre de psychologie, exposer les causes en les prenant aux origines les plus lointaines, dire tous les pourquoi de tous les vouloirs et discerner toutes les réactions de l'âme agissant sous l'impulsion des intérêts, des passions ou des instincts.
Les partisans de l'objectivité (quel vilain mot !) prétendant, au contraire, nous donner la représentation exacte de ce qui a lieu dans la vie, évitent avec soin toute explication compliquée, toute dissertation sur les motifs, et se bornent à faire passer sous nos yeux les personnages et les
événements.
Pour eux, la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est caché en réalité sous les faits dans l'existence.
Le roman conçu de cette manière y gagne de l'intérêt, du mouvement dans le récit, de la couleur, de la vie remuante.
Donc, au lieu d'expliquer longuement l'état d'esprit d'un personnage, les écrivains objectifs cherchent l'action ou le geste que cet état d'âme doit faire accomplir fatalement à cet homme dans une situation déterminée. Et ils le font se conduire de telle manière, d'un bout à l'autre du volume, que tous ses actes, tous ses mouvements, soient le reflet de sa nature intime, de toutes ses pensées, de toutes ses volontés ou de toutes ses hésitations. Ils cachent donc la psychologie au lieu de l'étaler, ils en font la carcasse de l'oeuvre, comme l'ossature invisible est la carcasse du corps humain. Le peintre qui fait notre portrait ne montre pas notre squelette.
Il me semble aussi que le roman exécuté de cette façon y gagne en sincérité. Il est d'abord plus vraisemblable, car les gens que nous voyons agir autour de nous ne nous racontent point les mobiles auxquels ils
obéissent.
Il faut ensuite tenir compte de ce que, si, à force d'observer les hommes, nous pouvons déterminer leur nature assez exactement pour prévoir leur manière d'être dans presque toutes les circonstances, si nous pouvons dire avec précision : « Tel homme de tel tempérament, dans tel cas, fera ceci », il ne s'ensuit point que nous puissions déterminer, une à une,
toutes les secrètes évolutions de sa pensée qui n'est pas la nôtre, toutes les mystérieuses sollicitations de ses instincts qui ne sont pas pareils aux nôtres, toutes les incitations confuses de sa nature dont les organes, les nerfs, le sang, la chair, sont différents des nôtres.
Quel que soit le génie d'un homme faible, doux, sans passions, aimant
uniquement la science et le travail, jamais il ne pourra se transporter assez complètement dans l'âme et dans le corps d'un gaillard exubérant, sensuel, violent, soulevé par tous les désirs et même par tous les vices, pour comprendre et indiquer les impulsions et les sensations les plus intimes de cet être si différent, alors même qu'il peut fort bien prévoir et raconter tous les actes de sa vie.
En somme, celui qui fait de la psychologie pure ne peut que se substituer à tous ses personnages dans les différentes situations où il les place, car il lui est impossible de changer ses organes, qui sont les seuls intermédiaires entre la vie extérieure et nous, qui nous imposent leurs perceptions, déterminent notre sensibilité, créent en nous une âme essentiellement différente de toutes celles qui nous entourent. Notre vision, notre connaissance du monde acquise par le secours de nos sens, nos idées sur la vie, nous ne pouvons que les transporter en partie dans tous les personnages dont nous prétendons dévoiler l'être intime et inconnu. C'est donc toujours nous que nous montrons dans le corps d'un roi, d'un assassin, d'un voleur ou d'un honnête homme, d'une courtisane, d'une religieuse, d'une jeune fille ou d'une marchande aux halles, car nous sommes obligés de nous poser ainsi le problème : « si j'étais roi, assassin, voleur, courtisane, religieuse, jeune fille ou marchande aux halles, qu'estce que je ferais, qu'estce que je penserais, comment estce que j'agirais ? « Nous ne diversifions donc nos personnages qu'en changeant l'âge, le sexe, la situation sociale et toutes les circonstances de
la vie de notre moi que la nature a entouré d'une barrière d'organes infranchissable.
L'adresse consiste à ne pas laisser reconnaître ce moi par le lecteur sous tous les masques divers qui nous servent à le cacher.
Mais si, au seul point de vue de la complète exactitude, la pure analyse psychologique est contestable, elle peut cependant nous donner des oeuvres d'art aussi belles que toutes les autres méthodes de travail.
Voici, aujourd'hui, les symbolistes. Pourquoi pas ? Leur rêve d'artistes est respectable ; et ils ont cela de particulièrement intéressant qu'ils savent et qu'ils proclament l'extrême difficulté de
l'art.
Il faut être, en effet, bien fou, bien audacieux, bien outrecuidant ou bien sot, pour écrire encore aujourd'hui ! Après tant de maîtres aux natures si variées, au génie si multiple, que restetil à faire qui n'ait été dit ? Qui peut se vanter, parmi nous, d'avoir écrit une page, une phrase qui ne se trouve déjà, à peu près pareille, quelque part ? Quand nous lisons, nous, si saturés d'écriture française que notre corps entier nous donne l'impression d'être une pâte faite avec des mots, trouvonsnous jamais une ligne, une pensée qui ne nous soit familière, dont nous ayons eu, au moins, le confus pressentiment ?
L'homme qui cherche seulement à amuser son public par des moyens déjà connus, écrit avec confiance, dans la candeur de sa médiocrité, des oeuvres destinées à la foule ignorante et désoeuvrée. Mais ceux sur qui pèsent tous les siècles de la littérature passée, ceux que rien ne satisfait, que tout dégoûte parce qu'ils rêvent mieux, à qui tout semble défloré déjà, à qui leur oeuvre donne toujours l'impression d'un travail inutile et commun, en arrivent à juger l'art littéraire une chose insaisissable, mystérieuse, que nous dévoilent à peine quelques pages des plus grands
maîtres.
Vingt vers, vingt phrases, lus tout à coup nous font tressaillir jusqu'au coeur comme une révélation surprenante ; mais les vers suivants ressemblent à tous les vers, la prose qui coule ensuite ressemble à toutes les proses.
Les hommes de génie n'ont point, sans doute, ces angoisses et ces tourments, parce qu'ils portent en eux une force créatrice irrésistible. Ils ne se jugent pas eux-mêmes. Les autres, nous autres qui sommes simplement des travailleurs conscients et tenaces, nous ne pouvons lutter contre l'invincible découragement que par la continuité de
l'effort.
Deux hommes par leurs enseignements simples et lumineux m'ont donné cette force de toujours tenter : Louis Bouilhet et Gustave Flaubert.
Si je parle ici d'eux et de moi, c'est que leurs conseils, résumés en peu de lignes, seront peut-être utiles à quelques jeunes gens moins confiants en eux-mêmes qu'on ne l'est d'ordinaire quand on débute dans les lettres.
Bouilhet, que je connus le premier d'une façon un peu intime, deux ans environ avant de gagner l'amitié de Flaubert, à force de me répéter que cent vers, peut-être moins, suffisent à la réputation d'un artiste, s'ils sont irréprochables et s'ils contiennent l'essence du talent et de l'originalité d'un homme même de second ordre, me fit comprendre que le travail continuel et la connaissance profonde du métier peuvent, un jour de lucidité, de puissance et d'entraînement, par la rencontre heureuse d'un sujet concordant bien avec toutes les tendances de notre esprit, amener cette éclosion de l'oeuvre courte, unique et aussi parfaite que nous la pouvons produire.
Je compris ensuite que les écrivains les plus connus n'ont presque jamais laissé plus d'un volume et qu'il faut, avant tout, avoir cette chance de trouver et de discerner, au milieu de la multitude des matières qui se présentent notre choix, celle qui absorbera toutes nos facultés, toute notre valeur, toute notre puissance artiste.
Plus tard, Flaubert, que je voyais quelquefois, se prit d'affection pour moi. J'osai lui soumettre quelques essais. Il les lut avec bonté et me répondit : « Je ne sais pas si vous aurez du talent. Ce que vous m'avez apporté prouve une certaine intelligence, mais n'oubliez point ceci, jeune homme que le talent suivant le mot de Chateaubriand n'est qu'une longue patience. Travaillez. »
Je travaillai, et je revins souvent chez lui, comprenant que je lui plaisais, car il s'était mis à m'appeler, en riant, son disciple.
Pendant sept ans je fis des vers, je fis des contes, je fis des nouvelles, je fis même un drame détestable. Il n'en est rien resté. Le maître lisait tout, puis le dimanche suivant, en déjeunant, développait ses critiques et enfonçait en moi, peu à peu, deux ou trois principes qui sont le résumé de ses longs et patients enseignements.
Si on a une originalité, disaitil, il faut avant tout la dégager ; si on n'en a
pas, il faut en acquérir une. »
Le talent est une longue patience. Il s'agit de regarder tout ce
qu'on veut exprimer assez longtemps et avec assez d'attention pour en
découvrir un aspect qui n'ait été vu et dit par personne. Il y a, dans tout,
de l'inexploré, parce que nous sommes habitués à ne nous servir de nos yeux
qu'avec le souvenir de ce qu'on a pensé avant nous sur ce que nous
contemplons. La moindre chose contient un peu d'inconnu. Trouvonsle. Pour
décrire un feu qui flambe et un arbre dans une plaine, demeurons en face de ce feu et de cet arbre jusqu'à ce qu'ils ne ressemblent plus, pour nous, à aucun autre arbre et à aucun autre feu.
C'est de cette façon qu'on devient original. Ayant, en outre, posé cette vérité qu'il n'y a pas, de par le monde entier, deux grains de sable, deux mouches, deux mains ou deux nez absolument pareils, il me forçait à exprimer, en quelques phrases, un être ou un objet de manière à le particulariser nettement, à le distinguer de tous les autres êtres ou de tous les autres objets de même race ou de même espèce.
« Quand vous passez, me disaitil, devant un épicier assis sur sa porte, devant un concierge qui fume sa pipe, devant une station de fiacres , montrezmoi cet épicier et ce concierge, leur pose, toute leur apparence physique contenant aussi, indiquée par l'adresse de l'image, toute leur nature morale, de façon à ce que je ne les confonde avec aucun autre épicier ou avec aucun autre concierge, et faitesmoi voir, par un seul mot, en quoi un cheval de fiacre ne ressemble pas aux cinquante autres qui le suivent et le précèdent . »
J'ai développé ailleurs ses idées sur le style. Elles ont de grands rapports avec la théorie de l'observation que je viens d'exposer.
Quelle que soit la chose qu'on veut dire, il n'y a qu'un mot pour l'exprimer, qu'un verbe pour l'animer et qu'un adjectif pour le qualifier. Il faut donc chercher, jusqu'à ce qu'on les ait découverts, ce mot, ce verbe et cet adjectif, et ne jamais se contenter de l'àpeuprès, ne jamais avoir recours à des supercheries, mêmes heureuses, à des clowneries de langage pour éviter la difficulté.
On peut traduire et indiquer les choses les plus subtiles en appliquant ce vers de Boileau :
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir.
Il n'est point besoin du vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois qu'on nous impose aujourd'hui sous le nom d'écriture artiste, pour fixer toutes les nuances de la pensée ; mais il faut discerner avec une extrême lucidité toutes les modifications de la valeur d'un mot suivant la place qu'il occupe. Ayons moins de noms, de verbes et d'adjectifs au sens presque insaisissables, mais plus de phrases différentes, diversements construites, ingénieusement coupées, pleines de sonorités et de rythmes savants. Efforçonsnous d'être des stylistes excellents plutôt que des
collectionneurs de termes rares.
Il est, en effet, plus difficile de manier la phrase à son gré, de lui faire tout dire, même ce qu'elle n'exprime pas, de l'emplir de sousentendus, d'intentions secrètes et non formulées, que d'inventer des expressions nouvelles ou de rechercher, au fond de vieux livres inconnus, toutes celles dont nous avons perdu l'usage et la signification, et qui sont pour nous comme des verbes morts.
La langue française, d'ailleurs, est une eau pure que les écrivains maniérés n'ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Chaque siècle a jeté dans ce courant limpide ses modes, ses archaïsmes prétentieux et ses préciosités, sans que rien surnage de ces tentatives inutiles, de ces efforts impuissants. La nature de cette langue est d'être claire, logique et nerveuse. Elle ne se laisse pas affaiblir, obscurcir ou corrompre.
Ceux qui font aujourd'hui des images, sans prendre garde aux termes abstraits, ceux qui font tomber la grêle ou la pluie sur la propreté des vitres, peuvent aussi jeter des pierres à la simplicité de leurs confrères qui ont un corps, mais n'atteindront jamais la simplicité qui n'en a pas.
Guy de Maupassant
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- Auteur : Bnmaster
- Créé le : 23/03/2005
- Modifié le : 27/09/2015
Guy de Maupassant est né le 5 août 1850, soit au château de Miromesnil, près de Dieppe, commune de Tourville-sur-Arques, soit à Fécamp chez sa grand-mère maternelle, 98, rue Sous-le-bois, aujourd'hui Quai Guy-de-Maupassant et Avenue Jean-Lorrain - où la présence de sa mère est attestée quelques jours auparavant.
C'est, en tout cas, à Fécamp, parmi les enfants de pêcheurs, à deux pas de la mer et des grands voiliers qui l'attireront toute sa vie que le jeune Guy passe ses premières années. Une enfance ballottée dans un foyer désuni, entre une mère excessive et névropathe qu'il adore et un père faible qu'il méprise jusqu'à douter de la légitimité de son ascendance.
La scolarité se déroule au Lycée impérial Napoléon à Paris, puis à l'institut ecclésiastique d'Yvetot, où il restera de treize à dix-huit ans. élève "ouvert", "docile", "poli", selon ses maîtres, il supporte difficilement les contraintes du pensionnat solitaire dans lequel il se trouve "enseveli" au milieu de condisciples "presque tous destinés au sacerdoce" (termes de ses lettres d'alors). De cette période sombre datent les premiers essais poétiques, d'inspiration symboliste. Chaque été, il revient passer les vacances chez sa grand-mère, ou dans la "chère maison" des "Verguies", acquise par ses parents en 1860, à Étretat.
Lancée en 1850, la cité balnéaire cauchoise est alors au zénith. A quelques dizaines de mètres les unes des autres, se dressent la villa d'Alphonse Karr, promoteur de la station, celle du fondateur du Figaro et du directeur de la Gazette de Paris, celle du bouillant Offenbach. Et, sur la plage, à même les galets, peignant la Vague ou les caloges, Corot, Courbet, Monet... Guy a sa barque, "bateau pêcheur tout rond en dessous", qui lui permet de lire au calme et d'aller se baigner au large avec son chien Matho. Sportif, excellent nageur, il participe au sauvetage des baigneurs imprudents, pris dans les remous de la porte d'Amont. C'est ainsi qu'il fait la connaissance d'un anglais rescapé, le poète Charles Swinburne, sorte de "maudit" raffiné à la Edgar Poe, à la fois idéaliste et sensuel. Le repas donné en l'honneur du bénévole a de quoi surprendre : rôti de singe ! D'autant qu'au dessert le jeune homme a pu contempler, parmi les bibelots de son hôte étrange, une main d'écorché qui le fascine.
"Deux hommes, par leurs enseignements simples et lumineux m'ont donné cette force de toujours tenter", rappellera le "novelliere" confirmé. Ces deux guides, presque jumelés tant moralement que physiquement, le lycéen passionné de littérature les rencontre dès 1868. Le poète Louis Bouilhet tout d'abord, conservateur de la bibliothèque municipale de Rouen, qui accueille avec faveur les vers laborieux du débutant. Et Flaubert, le Viking de Croisset, ami de longue date de Laure et des Le Poittevin, qui vient régulièrement à Rouen par le coche d'eau et déambule, entre ses deux amis, devant les baraques de la foire Saint-Romain ou dans les rues mal famées des bas quartiers.
Bouilhet meurt subitement en juillet 1869 et malgré son abattement, Guy passe et réussit à Caen son baccalauréat. Inscrit en octobre à la faculté de Droit de Paris, il s'installe rue Moncey, dans le même immeuble que son père, vivant médiocrement de la pension que ce dernier lui alloue. La guerre survient. Le "deuxième soldat", Maupassant, mobilisé en juillet 1870, affecté à Rouen dans les services de l'intendance, participe sous la neige à la campagne de l'Eure. Expérience douloureuse, qui achève de mûrir l'adolescent poète par la désolation de la débâcle, rendue fatale du fait de la préparation insuffisante et du mauvais encadrement. Une part considérable des contes s'y réfère, mêlant viscéralement la haine de l'occupant à l'héroïsme des humbles et des réprouvés : "Boule-de-Suif", "Mademoiselle Fifi", "La Mère Sauvage", "Le Père Milon", "Deux Amis", pour ne citer que les oeuvres les plus fortes.
Démobilisé en novembre 1872, Guy de Maupassant est resté, comme Flaubert, totalement à l'écart de l'insurrection de la Commune qui a marqué la fin de la guerre. Pour se faire une "situation", il devient rond-de-cuir, d'abord au Ministère de la Marine, puis à L'Instruction Publique, chaque fois sur l'intervention de Flaubert. Après bien des hésitations, poussé par un intérêt grandissant qui répond aux demandes de Laure, le "Vieux" accepte d'encourager la vocation littéraire de Guy à deux conditions : qu'il écrive sans discontinuer et qu'il s'abstienne de publier. Ce programme austère convient au jeune homme, qui s'y tiendra pendant une décennie. A l'exception de deux nouvelles fantastiques parues en 1875 sous le pseudonyme de Joseph Prunier : "La Main d'écorché" qu'il n'a pas oubliée et qu'un conte de 1883, "La Main", illustrera encore, et "Le Docteur Héraclius Gloss", très influencé par le romantisme hoffmannien. La faune des ministères, qu'il côtoie pendant près de dix ans, constituera un autre sujet important de la maturité, depuis "les Dimanches d'un bourgeois de Paris", paru en 1880, jusqu'à "l'Assassin" (1887).
Entre les heures grises du bureau, les veilles sous la lampe et les visites à Croisset pour recueillir l'avis du Maître, Maupassant s'est trouvé un dérivatif puissant : le canotage. Chaque week-end, dans sa yole "l'Étretat" qu'il remise à Bezons chez l'aubergiste Poulain, il rame le long des berges fleuries de la Seine, ivre d'air pur, en direction de Chatou, de Bougival, de l'île du Pecq aux guinguettes tressautantes sous le cancan, entre les barques effilées des "camarades", Léon Fontaine et Robert Pinchon, alias La Tôque et Petit Bleu, les comparses attendris de "Mouche" (1890). A l'approche de la belle saison, les heures de détente empiètent largement sur le travail, et Flaubert ne manque pas de rappeler à ses devoirs le "Gars de Bezons" qui se dissipe par trop ardemment aux bords de la Seine. L'eau, "Ma grande, mon absorbante passion", dira l'auteur de "La Femme de Paul" et d'"Yvette", est bien le support d'élection de cette oeuvre de vertige. Eaux salines âprement vivifiantes de la Manche, dans les plus belles plages des romans ; eaux douces, alanguies, riantes en surface, invitant au plaisir, mais au charme captieux. De la lumineuse "Partie de campagne", joliment adaptée au cinéma par Jean Renoir, au glauque hypnotisme de "Sur l'eau", nous suivons cette métamorphose de l'élément et le virage progressif à l'angoisse de la grosse gaieté partagée.
C'est aussi l'époque des rencontres hebdomadaires avec Zola, d'abord à Paris, au café Trapp, où l'auteur de Germinal réunit chaque jeudi un cénacle d'amis écrivains, puis, grâce au succès de l'Assommoir, dans la vaste demeure de Médan, près de la Seine, que Zola apprendra à connaître à bord du chasse-canard, "Nana", choisi et baptisé par Guy.
En 1880, Flaubert donne le feu vert pour l'édition. Paraissent simultanément un volume de vers, accueilli par un succès d'estime, et, dans un recueil collectif de six nouvelles sur le thème de la guerre "Boule-de-suif". Outre Zola et Maupassant, Huysmans, Céard, Hennique et Alexis ont apporté leur concours à ces Soirées de Médan. L'entreprise est d'ailleurs à l'origine d'un contresens tenace sur les rapports de l'oeuvre de Maupassant avec l'esthétique naturaliste. Plusieurs critiques y ont vu, sinon un ralliement définitif, du moins des influences durables. C'est oublier les mises au point ultérieures sur un mouvement jugé "bas de plafond", à cause du déterminisme simpliste dont il se réclame.
Le succès est fulgurant et plusieurs éditions parallèles de Boule-de-suif le renforcent. En quelques semaines Guy de Maupassant est célèbre, la grande presse se l'arrache pour des feuilletons ou des chroniques. Mais l'euphorie est brutalement stoppée le 8 juin 1880, Flaubert est emporté par une attaque d'apoplexie. Après avoir assumé l'essentiel des préparatifs de la cérémonie mortuaire, Maupassant regagne Paris, dans un isolement moral complet. Il partage dès lors son temps entre la littérature, le journalisme et les voyages.
Les ennuis de santé, des troubles oculaires et une sensibilité au froid qui s'amplifiera apparaissent à cette époque et ne cesseront plus, nécessitant des séjours prolongés dans le midi à Antibes et à Cannes, Étretat où "La Guillette" est acquise en 1883, restera le troisième point d'attache.
Grand reporter au quotidien Le Gaulois puis au Gil Blas, Guy de Maupassant fait de 1883 à 1890, en compagnie de son valet de chambre et futur biographe François Tassart, quatre voyages de plusieurs mois en Afrique du Nord sur les traces de Flaubert qui avait soigneusement exploré, pour Salammbô, l'emplacement de l'antique Carthage. Voyages d'études, matière à "bloc-notes" dans des rubriques attitrées mettant en cause l'administration des "colonies", mais aussi entractes nécessaires d'une vie trépidante en métropole où contes et nouvelles sont publiés au jour le jour dans les principaux quotidiens.
Dès 1881, situé à Fécamp, "derrière l'église Saint-Étienne", "La Maison Tellier", une transposition à la Lautrec des "maisons" rouennaises de la rue des Cordeliers ; puis, le succès croissant, le débit s'accélère : cinquante par an entre 1882 et 1884, parmi lesquels Les Contes de la Bécasse, très proches par le sujet et l'esprit des Mémoires d'un Chasseur de Tourgueniev, que Maupassant rencontre alors fréquemment. Certains, comme "L'Histoire d'une Fille de Ferme" ou "Le Père Amable" ont fait l'objet d'une adaptation à la télévision par Claude Santelli, remarquable de fidélité. Après 1884, la production décline, pour tomber à cinq en 1890. Au Maupassant conteur, écrivain du souffle court, tenaillé par ses phantasmes, succède le Maupassant romancier, adversaire du maniérisme, du symbolisme, en bref de toute écriture artiste, soucieux de ne pas faire reconnaître le moi qui ordonne magistralement le récit.
En avril 1883 parait le premier roman, "Une Vie". qui se déroule sur le domaine des "Peuples", planté sur la falaise auprès d'Yport. La plupart des thèmes essentiels de l'oeuvre sont présents dans cet aboutissement de quatre années d'efforts interrompus, repris, stimulés par un Flaubert inquiet des prouesses nautiques : amour du pays natal, dégoût de la maternité mésalliances funestes et surtout la passion de l'eau, qui éclaire les plus belles pages, telle l'excursion vers Étretat dans la barque du père Lastique. La bâtardise également, leitmotiv de l'"orphelin volontaire" cherchant à rétablir par une littérature du Père des liens existentiels manquants. "Du Papa de Simon" au "Champ d'Oliviers", c'est là un tourment vital que la maturité fait obsédant.
Une Vie connaît un succès immédiat. Dès lors, le rythme de parution des romans, bénéficiant d'une raréfaction des contes, tend à devenir annuel. 1885 : "Bel Ami", oeuvre-fétiche, oeuvre-clé, qui rejaillit aussitôt sur son créateur, un journaliste aux dents longues comme Duroy, élégant et sociable comme lui, séducteur et bellâtre à ses heures comme lui, amoureux du terroir et terrorisé par la mort comme lui, mais n'ayant pas, comme lui, besoin d'une Madeleine Forestier pour terminer ses articles ! "Analyse d'une crapule", précise d'ailleurs Bel-Ami écrivain, indiquant par delà les traits de similitude, qu'il s'agit bien d'un négatif de lui-même, et non d'une autobiographie primaire. Aussi efficacement que dans l'Argent d'Emile Zola, le monde grouillant de la finance, celle du krach de l'Union Générale et de la dette tunisienne, habilement transposé sert de toile de fond et, à l'occasion, de tremplin personnel à l'aventurier.
Un revirement complet : sujet, personnages et jusqu'au mode de parution, marque les deux derniers romans publiés, Fort comme la mort (1888) et Notre coeur(1890). Des artistes en mal de création, le peintre Bertin, le musicien Massival sont les protagonistes de ces oeuvres de bon ton, saluées unanimement par la critique, reçues pour la première fois par un public mondain longtemps réticent et bénéficiant d'un lancement spécial à la très sectaire Revue des Deux Mondes.
La maladie, une syphilis évoluant en paralysie générale, assombrit les dernières années, endeuillées par la folie d'Hervé, le frère cadet qui meurt en novembre 1889. Les mois suivants, les phénomènes morbides s'aggravent et le 6 janvier 1892, après une tentative de suicide, c'est l'internement à Passy, dans la clinique du docteur Blanche, sur les lieux mêmes où fut soigné Gérard de Nerval. Dix-huit mois de souffrance, entrecoupés de brusques exaltations pendant lesquelles il affirmait communiquer avec l'au-delà.
Guy de Maupassant meurt le 6 juillet 1893, en laissant deux romans inachevés "l'Angélus" et "L'Ame étrangère". Selon ses dernières volontés, il aurait du être enterré sans cercueil, à même la terre au cimetière Montparnasse, mais, la procédure réglementée de l'inhumation s'y opposa.
Si l'on met à part les trois romans qui ont le mieux résisté au temps : Une Vie, Bel-Ami et Pierre et Jean, ce sont surtout les contes et les nouvelles qui ont assuré la postérité littéraire de Guy de Maupassant.
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- Auteur : Bnmaster
- Créé le : 21/03/2005
- Modifié le : 27/09/2015
La promesse de l'aube est l'
autobiographie de l'auteur ,
Romain Gary. (pseudonyme de Romain Kacew : 1914-1980) Il nous raconte son enfance et sa vie adulte. Il nous montre son arrivée en France , ses études d'aviation lors de la deuxième guerre mondiale et l'amour qu'il porte pour sa mère. Mais aussi : ses premiers amours, des histoires loufoques sur son passé, sa mère, où il lui rend un hommage profond tout au long du livre car il raconte ses habitudes, ses relations avec elle. Tous les faits sont exprimés avec l'humour poussé de l'auteur et sa magnifique d'écriture.
Début du résumé chapitre par chapitre
Avant tout, comprenons la construction de ce livre. Chaque chapitre retrace une partie de la vie de Romain et ses idées, surtout au travers d'une ou plusieurs anecdotes.
Il est à noté que ce résumé ne retrace pas tous le livre ! Seulement les premiers chapitres (jusqu'au chapitre 9) puis quelques chapitres vers la fin. (du chapitre 31 au chapitre 38)
Ce qui permet de se rappeler quelques passages de cette autobiographie.
Chapitre 1
L'auteur Romain Gary se situe comme étant allongé sur une plage. Il nous décrit pour la première fois sa mère, à l'époque où il était pilote de l'armée Française. Dès le début il nous parle de la "promesse" qu'il s'est faite de rendre justice à sa mère.
Il nous explique aussi la lutte, la guerre qu'il a déclaré aux "dieux" qui se sont tant acharnés sur sa mère.
Chapitre 2
La narrateur va nous expliquer dans ce chapitre que sa mère voulait qu'il fasse de grandes choses, qu'ils deviennent quelqu'un. Dans ce chapitre on voit qu'il va se pencher principalement sur la littérature (en cherchant entre autre le meilleur pseudonyme possible!) et comment est ce qu'il a essayé la musique, sans succès...
Chapitre 3
Gary nous raconte ses essais en danse, qui tournèrent cours dû à son maître, puis ses tentatives de dessins, que sa mère a arrêté au plus vite car elle avait trop peur que son fils devienne un peintre déchu! Un Van Goggh... Mieux vaux la gloire dans le vivant que dans la mort.
En encore avec sa mère, Romain Gary prend donc la décision de se tourner vers l'écriture, tout en faisant attention à ne pas attraper du mal en écrivant.
Chapitre 4
Ici on fait connaissance de Mariette, une femme de ménage que nous retrouverons plus loin.
On retrouve aussi l'idée que Romain n'est pas vraiment bon en classe, à part dans les matières littéraire. Mais en math, même s'il semble écouter, il est en fait en train de rêver.
Chapitre 5
L'épisode avec Mariette va se finir ici. Celle ci étant tombé amoureux de Romain et lui quelques peu épris d'elle (alors qu'il n'a que 13 ans et demi) et comprenant de travers les paroles de sa mère, il couche avec elle. Sa mère entrant, Mariette s'enfuit et ne reviendra plus.
On apprend ici, que la mère de Romain était avant une artiste de théâtre, une plutôt bonne artiste même. Mais maintenant elle vend des "bijoux de familles" qui sont en fait des objets appelés ainsi pour attirer le client. Et à 14 ans, Romain la défend en donnant des claques à ceux qui sont contre sa mère, que cela soit justifié ou non. Il le faisait par amour pour sa mère et pour ce qu'il s'était promis.
Chapitre 6
Touchant le fond, la mère de Romain va concevoir et vendre des chapeaux de contrefaçon du couturier Paul Poiret. Insulté par les voisins de voleuse, d'affaire louche, elle fut outrée. Elle écarta sans problèmes ces accusations mais leur présenta son fils en disant: "Mon fils sera ambassadeur de France" etc... Romain, honteux mais ne le montrant pas pour sa mère restait là devant ce qui le regardait. Puis quand il put s'esquiver, il était prêt à se donner la mort, il fut sauver par un chat qui lui redonna goût à la vie.
Chapitre 7
Un de leur voisin a cru la mère de Romain et depuis ce jour, ce monsieur l'invita souvent chez lui. Il le regardait, lui proposait à manger. Et un jour lui demanda de parler de lui à ceux qu'il rencontrerait.
L'auteur nous dit que c'est ce qu'il a fait. Devant la reine d'Angleterre et tant d'autres il a déclaré : "Au N° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno habitait un certain M. Piekielny...". Conformément à ce que ce monsieur lui avait demandé.
Chapitre 8
Les affaires allaient mieux. Beaucoup mieux. Et la mère de Romain fit même venir un de ses anciens amis acteurs pour jouer le rôle de Paul Poiret afin de s'assurer à jamais la prospérité. Cela réussi très bien... La boutique fut appelé: "Maison Nouvelle, Haute Couture de Paris"
Chapitre 9
Les affaires marchant de mieux en mieux, le jeune Romain est éduqué comme il convient. En danse par sa mère, en équitation, tire à la carabine par un lieutenant ami de la mère... (ami est à prendre au sens d'ami. Comme on le verra plus tard plus précisément...)
--Coupure--
Chapitre 31
La France devenant défaitiste, Romain cherche partout un avion dans l'aérodrome. Il va d'avion en avion, cherche des volontaires pour passer en Angleterre, mais malgré son éloquence et ses discours inspirés, tout le monde refuse, certains même vont jusqu'à le frapper.
Mais il continue toujours à chercher avec l'entêtement propre à sa mère.
Chapitre 32
La guerre devait continuer en Afrique du Nord. résigné, il décide d'y aller, mais peu avant son départ prévu, cela devient interdit. Ni une, ni deux, avec un ami, il prennent un avion et partent vers l'Afrique... Arrivé là bas, ils ont interdiction de redécoller.
Il essaya de voler un avion, mais sans succès et étant vu, il est obligé de s'échapper et de se cacher. Mais il est heureux.
Chapitre 33
Obligé de se cacher dans le quartier des prostitués il se cache là bas.
Chapitre 34
Le lieutenant-colonel en charge de la base dit que c'était impossible que Romain Gary est volé un avion, etc... Romain peut donc de nouveau se montrer. Il part donc au port pour partir sur un bateau anglais qui prenait les Polonais. Il rencontra alors des camarades et se battit à leur côté.
Chapitre 35
Continuant à se battre malgré les nombreux mort, il nous raconte qu'en essayant d'enterrer un camarade qui s'était suicidé, ses amis et lui s'était trompé de cercueil dans le train qui devait les conduire au lieu de l'enterrement et avait donc enterré une caisse rempli d'on ne sait quoi au lieu du corps de leur ami. (qui devait toujours se trouver dans le train...)
Chapitre 36
Ayant fini son entrainement il eut 4 jours de permissions. Une fille s'attacha à lui...
Il se battit alors en duel contre deux polonais pour elle (ou plutôt pour son honneur !) il gagna... mais il eut un blâme.
Chapitre 37
Embarqué dans un bateau, Romain recommence à écrire ses récits sur la résistance.
Chapitre 38
S'écrasant plusieurs fois, Romain lutta pour se battre et retourner voler dans un avion, mais il ne peut pas faire grand chose...
-- Coupure et fin --
Voir aussi :
Résumé et compte-rendu de la Promesse de l'Aube
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